Le chemin du silence ( extrait)

Sur cette place, dans cette maison, dans ce café, dans celui là, dans cette église,

Mon père résistant à l’occupation a été dénoncé à la Gestapo par un habitant de la commune dont je ne connais pas l’identité mais on me l’a soufflé, il a réussi à sortir par la fenêtre avant l’arrivée des bottes noires, ce lâche devrait résider au HAVRE, est-il encore vivant, est-il mort ? Je ne le sais pas, aucune haine, mépris, remords ne tapissent mon esprit,

Je voudrais seulement savoir …

Mais je ne saurais sûrement jamais.

Yves a été militaire dans la marine nationale française, vice champion de France de boxe, un écorché vif, il ne supportait pas la hiérarchie, l’injustice …

Par la suite , il s’est installé à KERMOALIC situé entre : au fond un village où habitait Paul SCOUR qui venait parfois me chercher à l’école , il me transportait sur sa moto , à l’entrée, 2 fermes tenues par les MOYSAN et SIMON qui élevaient des porcs et au centre sur la gauche notre maison que mon père avait trouvée , cette maison vide pour y loger 4 personnes, sans eau ni électricité , les murs badigeonnés de chaux , le sol en terre battue , une cheminée et un fourneau pour chauffage , à l’extérieur un puits pour y retirer de l’eau et derrière la maison un clapier à lapins . Devant, parfois les vipères faisaient une haie d’honneur …

Ma mère a accouchée debout, ma tête s’est glissée sur le sol de terre battue et la réaction de mon père fut vive «  ça commence mal », mon frère a assisté à l’événement et de ce fait a été absent à l’école. »Tu diras à la maîtresse que tu as eu un petit frère et comme nous ne sommes pas riches on l’a fait tout seul. »La réaction de l’institutrice fut immédiate, une gifle suivait … Cela commençait vraiment mal.

Je suivais le chemin avant de me diriger sur un champs que je traversais en courant pour me rendre à l’école communale qui se situait à 4 kilomètres ,Yves MEUDEC était mon meilleur copain , il me donnait des pièces d’argent que je faisais glisser dans la fente de l’urne qui était postée dans l’église et le saint remuait la tête pour me remercier du geste , été comme hiver je m'habillais d' une culotte courte ( 1 ) , à mon retour j’allais garder les porcs de la grand mère MORVAN , une dame qui avait la lumière dans les yeux , je recevais en cadeau quelques biscuits et je trouvais cela merveilleux …

Le temps se mélangeait parfois de mélancolie, je me souviens d’avoir grimpé à l’arbre pour me hisser à la hauteur du nid de pie et de faire un trou dans l’œuf et d’y sucer le contenu . Je suis resté dans ces lieux jusqu’à mes 7 ans avant de rejoindre GOUERVEN à LESNEVEN, terre de paix, terre de haine dans un monde en mouvement, les hommes portent au loin parfois la conscience de l’humanité …

Mon père s’occupait à la chasse au gibier.

Quand on 4 - 5 ans le père devient une référence, un modèle pour l’enfant, mais il était absent, on se pose des questions qui restent sans réponse. Qui est mon père ?...

Et quand il meurt et que l’enfant n’a que 7 ans, le doute revient toujours. Qui est mon père ? Pourquoi a-t-il été emporté par la mort si jeune ?

Les réponses paraissent voilées, les images ne passent pas sur le mur de l’ombre.